La sous-traitance en marchés publics : qu’est-ce qui a changé ?

La sous-traitance en marchés publics : qu’est-ce qui a changé ?

Une nouvelle version de l’arrêté royal du 14 janvier 2013 établissant les règles générales d’exécution est entrée en vigueur le 30 juin dernier. Parmi les nouveautés, un soin particulier a été apportée aux dispositions relatives à la sous-traitance . Nous en dressons un aperçu dans cet article et nous vous renvoyons aux dispositions légales renseignées pour un complément d’informations.

Ce qui n’a pas changé

Le principe

Commençons par récapituler ce qui n’a pas changé, et notamment le principe-même de la sous-traitance : lorsque l’adjudicataire confie une partie des prestations à un sous-traitant, il reste responsable de la bonne exécution par ce dernier desdites prestations. C’est également l’adjudicataire qui reste le seul cocontractant de l’adjudicateur, c’est donc lui qui sera payé, par exemple, ou encore qui devra assurer la garantie.

Les sous-traitants imposés

La réglementation énumère des catégories de sous-traitants auxquels l’adjudicataire a l’obligation de recourir[1] : les sous-traitants à la capacité desquels il a fait appel pour répondre aux critères de sélection qualitative relatifs à la capacité technique ou professionnelle[2], les sous-traitants imposés par l’adjudicateur et les sous-traitants présentés dans l’offre de l’adjudicataire (pour autant que l’adjudicataire sous-traite les prestations relevant de leur compétence). Comme par le passé, il est prévu que tout changement de sous-traitant, dans ces cas précités, doit être soumis à l’accord préalable et écrit de l’adjudicateur. Par ailleurs, l’adjudicateur peut exiger (dans les documents du marché) que le sous-traitant satisfasse, proportionnellement à son intervention dans l’exécution, aux critères de sélection qualitative.

Les sous-traitants interdits

La réglementation mentionne également des catégories de sous-traitants auxquels il est interdit de confier tout ou partie de l’exécution du marché[3] : les sous-traitants se trouvant dans un motif d’exclusion (sauf application des mesures correctrices visées à l’article 70 de la loi du 17 juin 2016) et les sous-traitants exclus en application de la réglementation relative à l’agréation.

La révision des prix et les modalités de paiement

Les articles 14 et 15 de l’arrêté royal du 14 janvier 2013, relatifs, respectivement, à la révision des prix et aux modalités de paiement, n’ont été que superficiellement modifiés dans la nouvelle réglementation. En vertu de ces dispositions, il appartient à l’adjudicataire de faire bénéficier son sous-traitant des mêmes conditions que celles qui lui sont applicables en matière de révision des prix et de paiement.

 

[1] Article 12 de l’arrêté royal du 14 janvier 2013.

[2] Ce qui est plus restreint que l’ancien régime, qui imposait le recours aux sous-traitants à la capacité desquels l’adjudicataire avait fait appel pour répondre à tout critère de sélection (et donc également les critères économiques et financiers).

[3] Article 13 de l’arrêté royal du 14 janvier 2013.

Ce qui a changé

Les sous-traitants interdits

La nouvelle version du texte a supprimé une catégorie de sous-traitants interdits[1] et en a ajouté une nouvelle : les sous-traitants se trouvant dans l’une des situations permettant la résiliation anticipée du marché, visées à l’article 62, alinéa 1er, 2° à 4°, de l’arrêté royal du 14 janvier 2013[2].

L’action directe du sous-traitant

La réglementation prévoit désormais que, dans un marché de travaux, l’adjudicateur doit faire mention, dans les documents du marché, de l’action directe du sous-traitant prévue à l’article 1798 du Code civil[3]. Le cas échéant, cette action directe permettra au sous-traitant impayé par l’adjudicataire de réclamer son dû à l’adjudicateur, dans la limite des montants encore dus à cette date par l’adjudicateur à l’adjudicataire.

La vérification des motifs d’exclusion

Les mesures décrites ci-après ont été insérées dans la réglementation en vue de lutter contre le dumping social. D’une part, il est rappelé que l’adjudicataire qui a recours à la sous-traitance reste entièrement responsable de l’exécution du marché, ce que complique une longue chaîne de sous-traitance. D’autre part, la multiplication des intervenants dans la chaîne de sous-traitance, chacun percevant une marge sur les prestations de son propre sous-traitant, aboutit au résultat que le dernier maillon de la chaîne, véritable exécutant, ne perçoit peut-être pas toujours un prix suffisant pour respecter ses obligations administratives et financières. Pour pallier à ces difficultés, la nouvelle réglementation a inséré des dispositions relative à la vérification des motifs d’exclusion, mais également à la limitation de la chaîne de sous-traitance (cf. infra).

Il est désormais prévu que l’adjudicateur peut vérifier, dans le chef du ou des sous-traitant(s) direct(s) de l’adjudicataire, mais également plus loin dans la chaîne de sous-traitance, s’il existe un ou des motif(s) d’exclusion au sens des articles 67 à 69 de la loi du 17 juin 2016[4]. Cette vérification est obligatoire à l’égard du (des) sous-traitant(s) direct(s) de l’adjudicataire dans le cadre de marchés passés dans les secteurs sensibles à la fraude (marchés de travaux, mais aussi marchés de gardiennage et surveillance et marchés de services de transformation de la viande) dont la valeur est égale ou supérieur au seuil fixé pour la publicité européenne.

A cette fin, l’adjudicataire transmet, au plus tard au moment de commencer l’exécution du marché et à chaque fois qu’il fait intervenir un nouveau sous-traitant, les informations nécessaires à cette vérification[5]. Cette communication est obligatoire (l’adjudicateur ne doit donc pas en faire la demande) dans le cadre de marchés passés dans les secteurs sensibles à la fraude, mais également dans le cadre de marchés de services qui doivent être fournis sur un site placé sous la surveillance directe de l’adjudicateur. Dans les autres cas, l’adjudicateur peut demander ces informations. Le cas échéant, l’adjudicateur peut demander que les informations soient fournies sous la forme d’une Document Unique de Marché Européen (DUME).

Si l’adjudicateur constate, au cours de cette vérification, qu’un sous-traitant se trouve dans un motif d’exclusion, il dresse un procès-verbal de manquement au sens de l’article 44 de l’arrêté royal et l’envoie à l’adjudicataire. Lorsque le motif d’exclusion est un motif obligatoire (article 67 de la loi du 17 juin 2016) ou un motif lié aux dettes sociales et/ou fiscales (article 68 de la loi du 17 juin 2016), l’adjudicateur demande (exige) le remplacement du sous-traitant. Lorsque le motif d’exclusion est un motif facultatif (article 69 de la loi du 17 juin 2016), l’adjudicateur peut demander ce remplacement. L’adjudicataire dispose d’un délai de quinze jours (qui peut être réduit dans les documents du marché, en cas de manquement grave à l’obligation de payer les salaires[6]) à compter de la réception de ce procès-verbal pour fournir la preuve qu’il a procédé au remplacement du sous-traitant ou que ce dernier s’est régularisé ou a pris des mesures correctrices (en cas d’utilisation du DUME, ces mesures correctrices doivent y être renseignées, sans quoi il est trop tard pour les invoquer). Passé ce délai, l’adjudicataire qui n’a pas remplacé le sous-traitant incriminé est redevable d’une pénalité journalière (applicable chaque jour, tant que perdure la situation) de 0,2% du montant initial du marché (plafonnée à 5.000 ou à 10.000 EUR par jour selon que le montant initial du marché est inférieur ou supérieur à 10.000.000 EUR HTVA).

La sous-sous-traitance

Le nouvel article 12/3 de l’arrêté royal du 14 janvier 2013 indique qu’il est interdit à un sous-traitant de « sous-sous-traiter » la totalité des prestations qui lui ont été confiées, ou de ne conserver que la coordination de l’exécution du marché. Par contre, cela reste permis à l’adjudicataire.

Il est également prévu de limiter la chaîne de sous-traitance dans les secteurs sensibles à la fraude. Lorsque le marché concerné porte sur des travaux groupés dans une « catégorie » au sens de la réglementation sur l’agréation, la chaîne de sous-traitance est limitée à trois niveaux, soit l’adjudicataire, son sous-traitant direct (niveau 1), le sous-traitant de celui-ci (niveau 2) et le sous-traitant de ce dernier (niveau 3).

Lorsque le marché concerné porte sur des travaux groupés dans une « sous-catégorie » au sens de la réglementation sur l’agréation, ou sur un type de services sensibles à la fraude, la chaîne de sous-traitance est limitée à deux niveaux, soit l’adjudicataire, son sous-traitant direct (niveau 1) et le sous-traitant de celui-ci (niveau 2).

Il est possible, dans certains cas exceptionnels[7], de prévoir un niveau supplémentaire.

Tout manquement à ces obligations est passible d’une pénalité journalière de 0,2% du montant initial du marché (plafonnée à 5.000 EUR ou à 10.000 EUR par jour selon que le montant initial du marché est inférieur ou supérieur à 10.000.000 EUR HTVA).

 

[1] Les sous-traitants qui se trouvaient sous le coup d’une sanction de privation d’accès aux marchés publics, en vertu de l’arrêté royal du 14 janvier 2013

[2] À savoir la mise sous conseil judiciaire pour cause de prodigalité, l’interdiction, mise sous administration provisoire ou sous tutelle pour faiblesse d’esprit et la mise en observation ou l’internement par application de la législation concernant la défense sociale.

[3] Article 12, § 4, de l’arrêté royal du 14 janvier 2013.

[4] Article 12/2 de l’arrêté royal du 14 janvier 2013.

[5] Article 12/1 de l’arrêté royal du 14 janvier 2013.

[6] Voy. l’article 44, § 2, alinéa 3, de l’arrêté royal du 14 janvier 2013.

[7] Voy. l’article 12/3, § 2, alinéa 2, de l’arrêté royal du 14 janvier 2013.

Conclusion

L’esquisse dressée ci-avant a essentiellement pour objectif d’informer les acteurs du terrain, tant les adjudicateurs que les adjudicataires, mais également les sous-traitants, de l’existence de ces nouveautés en matière de sous-traitance dans le cadre d’un marché public. Faute de place, mais également par souci de concision, nous ne prétendons pas avoir fourni l’exhaustivité des nouvelles règles applicables. Une lecture attentive des dispositions légales renseignées est fortement conseillée.

Nous restons à votre disposition pour tout renseignement complémentaire que vous souhaiteriez obtenir.

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