Puis-je rectifier le métré en procédure ouverte ou restreinte?

Comment et dans quelles conditions? Analyse des risques et bénéfices de la manœuvre

L’établissement d’un métré récapitulatif n’est pas toujours chose aisée pour un adjudicateur. Certains adjudicateurs ne sont pas spécialistes du domaine dans lequel ils doivent lancer leur marché de travaux et ne disposent pas non plus des ressources pour confier cette tâche à un expert externe. D’autres ont les compétences en interne mais font face à des chantiers particulièrement complexes à appréhender. Pour toutes ces raisons, le législateur a prévu la faculté pour les opérateurs économiques d’apporter leur expertise et de faire leurs propres corrections, à condition de respecter certaines consignes. Mais est-ce toujours dans votre intérêt de le faire?

Compléter le métré récapitulatif

Dans tout marché de travaux (ou presque), il ne suffit pas pour une entreprise d’indiquer le prix total de son offre. L’adjudicateur, pour diverses raisons légitimes, souhaite disposer du détail des prix proposés par le soumissionnaire. Ce détail lui permettra de s’assurer du caractère normal des prix remis (et, le cas échéant, servira de base pour interroger ce soumissionnaire), de vérifier que le soumissionnaire a bien pris la mesure des travaux à réaliser et qu’il n’a omis aucune intervention. Enfin, ce détail sera d’une importance capitale pour l’adjudicateur lorsque des quantités devront être revues à la hausse ou pour toute modification en cours d’exécution du marché.

Par conséquent, compléter le métré récapitulatif constitue une exigence essentielle pour que l’offre puisse passer le stade de la régularité.

 

Les corrections permises dans le métré

La réglementation prévoit[1] que le soumissionnaire:

1° corrige les erreurs qu'il découvre dans les quantités forfaitaires;

2° corrige les erreurs qu'il découvre dans les quantités présumées (1) pour lesquelles les documents du marché autorisent cette correction et (2) à condition que la correction en plus ou en moins qu'il propose atteigne au moins dix pour cent du poste considéré;

3° répare les omissions dans le métré récapitulatif ou l'inventaire.

A ce stade, il ne s’agit, en réalité, que de propositions de correction. L’adjudicateur reste seul maître pour décider de les accepter ou non. Dans cette optique, la réglementation prévoit que le soumissionnaire doit obligatoirement joindre à son offre une note justifiant ces modifications, afin d’expliquer le bien-fondé de ces corrections, et surtout de donner à l’adjudicateur les moyens de trancher.

[1] Art. 79 de l’A.R. du 18 avril 2017

Les corrections non autorisées dans le métré

Si la réglementation autorise à modifier le métré, c’est uniquement dans les limites explicitées ci-dessus. Il n’est pas rare pour un adjudicateur de s’échiner sur des corrections effectuées par un soumissionnaire, par exemple sur une unité de mesure, transformant des prix au mètre cube en prix à la pièce, rendant par ce fait son offre incomparable aux autres. Dans une telle situation, les choix qui s’offrent à l’adjudicateur dépendront de la procédure de passation. En procédure ouverte ou restreinte, il n’aura pas d’autre choix que de déclarer l’offre irrégulière s’il n’est pas en mesure de faire la conversion lui-même, sur la base de ses propres constatations[1]. Notons qu’un adjudicateur dispose d’une plus grande latitude dans une procédure négociée pour permettre à un soumissionnaire de régulariser son offre.

Dans tous les cas, insérer une modification non autorisée dans le métré n’apportera rien à un soumissionnaire, au contraire. Avant de corriger un métré, assurez-vous d’y être autorisé!

[1] Relevons par ailleurs qu’une controverse existe quant à la possibilité de s’assurer de l’engagement du soumissionnaire dans pareil cas

Impossibilité de remettre une offre

Si vous découvrez dans les documents du marché des erreurs ou des omissions qui rendent impossible l’établissement de vos prix, la réglementation[1] (et d’ailleurs souvent le cahier spécial des charges) vous enjoint de les signaler par écrit à l’adjudicateur, en principe au plus tard dix jours avant la date limite de réception des offres. Ce faisant, vous lui permettrez de rectifier les erreurs ou omissions relevées et de prolonger le cas échéant le délai imparti pour la remise des offres.

Cette façon de faire est généralement appréciée par les adjudicateurs, soucieux de parvenir à une attribution de marché exempte de motifs de recours ainsi qu’à une sereine exécution du marché, et vous permet éventuellement de gagner des jours pour la préparation de votre offre. Vous ne serez en tout cas plus autorisé à vous prévaloir de ces erreurs ou omissions après l’ouverture des offres[2].

[1] Art. 81 de l’A.R. du 18 avril 2017
[2] Art. 82 de l’A.R. du 18 avril 2017

Les risques et avantages relatifs aux corrections du métré

Tout d’abord, il convient d’insister une fois encore sur le fait que vos corrections ne valent que comme des propositions de correction. L’adjudicateur demeure libre de les accepter ou non, en tout ou en partie[1]. Si vous souhaitez voir vos corrections entièrement acceptées, pensez à motiver adéquatement celles-ci.

Correction à la baisse

Si vous corrigez des quantités à la baisse et que l’adjudicateur accepte votre correction, celle-ci ne sera portée qu’à votre métré, non à ceux de vos concurrents. S’il s’agit de quantités estimées, le prix total (quantité réduite acceptée*prix unitaire) devient forfaitaire. Si cette réduction vous avantage très logiquement lors de la comparaison des offres, elle présente un risque tout aussi certain si vous remportez le marché. Vous ne pourrez en effet plus remettre en question la quantité corrigée et devrez assumer les risques liés à l’incertitude lors de l’exécution.

Correction d’une omission

Lorsque vous mettez en avant le fait qu’une omission existe, c’est-à-dire que des postes nécessaires à l’exécution du marché manquent dans le métré, l’adjudicateur s'assurera du bien-fondé de cette affirmation et la rectifiera si nécessaire en fonction de ses propres constatations. Si vous êtes le seul à relever cette omission, l’adjudicateur calculera un prix pour les autres soumissionnaires en tenant compte du prorata de ce poste par rapport au prix total de l’offre. Dans un tel cas, l’acceptation d’une omission ne vous avantagera pas pour l’analyse des offres. La situation s’avère différente si d’autres soumissionnaires relèvent cette omission, auquel cas c’est la moyenne des prix proposés pour cette omission qui servira de base à l’application de la règle de trois, et vous pourriez y trouver un avantage.

Correction à la hausse

Si vous parvenez à faire accepter une correction à la hausse de quantités, ces nouvelles quantités seront portées indistinctement à tous les métrés. On perçoit ici directement l’avantage de chercher à faire accepter des quantités supérieures pour des postes pour lesquels vous savez être les plus concurrentiels.

[1] On vise là tant les différentes corrections que les quantités réellement acceptées d’une correction

Conclusion

Corriger un métré dans les règles de l’art peut rapporter gros et montre à l’adjudicateur votre sérieux et l’attention accordée à son marché. Soyez néanmoins conscient des risques que vous encourez lorsque vous proposez une correction, c’est une manœuvre à double tranchant!

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